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France

La grâce du 14 Juillet ne concernera pas les auteurs de violences sexuelles ou racistes
LEMONDE.FR | 12.07.04 | 19h35
Pour la première fois, les personnes lourdement condamnées pour des délits racistes ou pour des actes de violence sexuelle ne bénéficieront pas de la grâce présidentielle. Cette décision intervient peu après l'agression à caractère antisémite survenue vendredi 9 juillet dans le RER D, et dans le contexte des affaires Bodein et Fourniret.

Alors que les prisons connaissent une surpopulation record - 63 652 détenus pour 49 595 places - le gouvernement, qui avait la possiblité d'utiliser les grâces pour les désengorger, a préféré prendre une mesure dont il affirme qu'elle touchera un nombre de détenus sensiblement identique aux autres années. De source gouvernementale, on précise ainsi qu'environ 3 500 personnes pourraient sortir de prison dans les quatre mois par effet du décret de grâce. Le pourcentage des détenus condamnés exclus de la grâce passerait ainsi de 35 % en 2003 à 47 % cette année.

Cette année, pour la première fois, en plus des personnes habituellement exclues par cette mesure, le champs des délits non concernés par la grâce est étendu aux infractions de nature sexuelle s'ils ont donné lieu à une peine d'au moins 7 ans de prison, ainsi qu'aux délinquants condamnés pour des faits de racisme (insultes, profanations).

En revanche, le décret augmente le nombre de jours de remise de peine accordés : quinze jours par mois de détention non encore exécuté, dans la limite de quatre mois de grâce maximum, au lieu de sept jours l'année dernière. Pour les condamnés non encore incarcérés, une remise uniforme de deux mois est accordée.

UN CONTEXTE PARTICULIER

Le choix d'exclure les infractions racistes de la grâce répond à la hausse de ce type de faits, le nombre d'actions antisémites ou xénophobes recensées entre janvier et juin 2004 ayant été plus grand que durant toute l'année 2003. Cette annonce survient après un week-end marqué par une violente agression à caractère antisémite dans un RER de la région parisienne. Hasard du calendrier ? Les modalités du décret de grâce étaient arrêtées depuis plusieurs jours, selon une source gouvernementale, même si la signature du président de la République n'a été effective que lundi 12 juillet.

Toutefois cette exclusion devrait toucher un nombre peu important de personnes, très peu de détenus étant actuellement incarcérés pour des infractions à caractère raciste.

En matière de crimes sexuels, les faits divers sanglants impliquant les deux tueurs en série présumés Michel Fourniret et Pierre Bodein a relancé le débat sur le supposé "laxisme" de la justice à l'égard de certains condamnés.

RÉACTIONS ASSOCIATIVES ET SYNDICALES

Le syndicat de la magistrature (SM, gauche) a dénoncé lundi des "exclusions démagogiques". Sa présidente, Aïda Chouk, a déclaré que "ce qui serait mieux c'est que ces personnes sortent de prison en ayant été suivies, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui faute de volonté politique". Pointant une mesure "d'affichage", le SM souligne qu'il y a peu de condamnés pour racisme, "puisque ce type d'infraction fait le plus souvent l'objet d'une amende".

De même, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a pour sa part qualifié cette mesure d'"affichage symbolique aux effets limités", puisque "en général il n'y a pas de condamnation à la prison pour des propos ou des écrits racistes", a souligné Emmanuelle Le Chevallier, présidente de la fédération de Paris.

Avec AFP et Reuters